Les majorités de vote en copropriété
29 novembre 2021
Les tantièmes, quote-part de propriété dont dispose chaque copropriétaire sur les parties communes, sont chiffrés en millièmes et représentent ainsi le poids du vote de chaque copropriétaire. Une voix n'est donc pas un vote, c'est l'addition des millièmes de chaque copropriétaire qui permettra de dégager ou non la majorité nécessaire à la décision.
La base légale des majorités de vote
Majorité simple, majorité absolue, double majorité, unanimité. Ces quatre types de majorité sont inscrits dans la loi de 1965 aux articles 24, 25 et 26 depuis l'origine.
Des bases de majorité ont été modifiées pour faciliter la prise de décisions :
- la base de la double majorité a été modifiée en 1992, passant de la majorité des copropriétaires représentant les 3/4 des voix à ceux représentant les 2/3 des voix;
- la base de la majorité simple a été modifiée en 2000 par l'ajout du qualificatif « exprimées » après l'expression « majorité des voix». Les abstentionnistes ne sont donc plus pris en compte dans la base de calcul depuis cette réforme.
Pour rappel, à défaut de précision dans la loi, toutes les décisions en assemblée générale sont prises à la majorité simple. Certaines délibérations notamment portant sur des travaux, peuvent poser des difficultés de choix de majorité.
En cas d'erreur de majorité, la décision de l'assemblée générale adoptée reste valide tant qu'elle n'a pas été définitivement annulée par le juge après un recours en nullité d'un copropriétaire défaillant ou opposant dans les deux mois de la notification du procès-verbal d'assemblée générale (art. 42 loi 1965). Passé ce délai, la résolution ne pourra plus être remise en cause.
Si la résolution a été votée par l'assemblée générale à la bonne majorité exigée par la loi de 1965, l'erreur constatée dans le procès-verbal n'a pas d'incidence. Il en sera de même si la majorité indiquée est erronée sur la convocation.
D'ailleurs, l'article 9 du décret de 1967, listant les mentions obligatoires sur la convocation, n'y inclut pas la majorité de vote requise pour chaque résolution. L'inscription de la majorité de vote pour chaque résolution sur l'ordre du jour relève de la pratique des syndics pour l'information des copropriétaires mais n'est en aucun cas obligatoire.
Enfin, le règlement de copropriété ne peut pas prévoir de majorités supérieures à la loi.
L'article 43 de la loi de 1965 précise que les articles 24, 25, 26 sont d'ordre public. Les mentions contraires sont réputées non écrites. Néanmoins, une clause réputée non écrite doit être appliquée tant qu'elle n'a pas été invalidée par le juge selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation.
Cela impose que les règlements contenant ce type de clauses soient mis à jour et ne fassent plus que référence à la loi s'agissant des majorités de vote à appliquer (cette mise à jour doit être votée à la majorité simple de l'article 24 pour les rares copropriétés qui auraient encore des règlements ne respectant pas l'ordre public de la loi).
Les différentes majorités
Majorité simple : la majorité des présents et représentés - Article 24
Il s'agit de la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents, représentés (pouvoir) ou ayant voté par correspondance. La résolution est adoptée des lors que les votes POUR sont supérieurs aux votes CONTRE, les abstentionnistes ne sont pas pris en compte dans la base de calcul.
Il faut souligner qu'aucun quorum minimum de copropriétaires présents n'est à respecter pour délibérer valablement.
La base de calcul n'est donc pas la totalité des copropriétaires, elle est limitée. Cela permet de prendre des décisions facilement même face à l'absentéisme comme adopter le budget prévisionnel, approuver les comptes, voter les travaux d'entretien. Ces décisions permettent d'assurer le fonctionnement courant de la copropriété.
Cette majorité concerne aussi l'adaptation du règlement de copropriété aux évolutions législatives, l'autorisation donnée au syndic d'agir en justice, les modalités de réalisation et d'exécution des travaux rendus obligatoires en vertu de dispositions législatives ou réglementaires, l'organisation et le fonctionnement du conseil syndical.
Majorité absolue : la majorité des voix - Article 25
Il s'agit de la majorité des voix de tous les copropriétaires (présents, représentés, ayant voté par correspondance, abstentionnistes, absents).
Tous les copropriétaires sont pris en compte dans la base de calcul.
Ici les votes POUR doivent être supérieurs à l'addition des votes CONTRE + absents + abstentionnistes.
Certaines décisions importantes doivent être adoptées à cette majorité comme l'élection du syndic, des membres du conseil syndical, des travaux d'économie d'énergie, des travaux d'amélioration, l'autorisation donnée à un copropriétaire d'effectuer à ses frais des travaux affectant les parties communes de l'immeuble.
Double majorité : la majorité qualifiée - Article 26
C'est la majorité en nombre de tous les copropriétaires présents, représentés, ayant voté par correspondance ou absents détenant les 2/3 des voix.
S'abstenir équivaut à voter contre.
La particularité est ici le double seuil cumulatif des copropriétaires et des millièmes.
Cette majorité difficile à recueillir est peu utilisée car elle correspond à des décisions particulières mais ne portant pas atteinte à la destination de l'immeuble.
Néanmoins, pour ne pas bloquer un projet important avec des enjeux financiers comme la suppression du poste de concierge et la vente de sa loge qui ne porte pas atteinte à la destination de l'immeuble, la vente de parties communes ne portant pas atteinte à la destination de l'immeuble, la surélévation, le législateur facilite la prise de décision par le système de passerelle vers la majorité absolue.
Unanimité - Article 26
Il s'agit du calcul à la fois le plus simple à faire et le plus difficile à atteindre.
Tous les copropriétaires doivent voter POUR afin que la résolution soit adoptée.
Un seul absent ou abstentionniste bloque le projet.
Son usage reste exceptionnel car l'unanimité est requise pour les décisions portant atteinte à la destination de l'immeuble.
Il ne peut s'agir que d'une volonté générale de changement par exemple de modification des stipulations du règlement de copropriété relatives à la destination de l'immeuble, de modification de la répartition des charges, de suppression d'un équipement collectif ou de la vente de parties communes dont la conservation est nécessaire au respect de la destination de l'immeuble.
La destination de l'immeuble est une notion difficile à appréhender. Le règlement de copropriété détermine une destination (usage exclusif d'habitation bourgeoise, usage d'habitation et professionnel...). D'autres éléments sont à retenir comme les éléments d'équipement commun (piscine, jardin, places de stationnement invités ... ) ou une destination déterminée de certaines parties communes.
Le règlement et les éléments complémentaires forment la destination de l'immeuble, au regard de laquelle les projets doivent être examinés pour déterminer si l'unanimité est nécessaire.
Exemple
Syndicat de 86 copropriétaires dont le nombre total des voix est de 10 000 millièmes.
Lors de l'assemblée générale du 20 mai 2021, organisée exclusivement par vote par correspondance, sont présents et représentés 65 copropriétaires représentant 7234/10000èmes, 21 copropriétaires représentant 2766/10000èmes n'ont pas retourné leur bulletin de vote et sont donc absents.
Installation de la fibre optique - Majorité simple
S'abstiennent : 1756/10000èmes, Votent «POUR» : 2826/10000èmes, Votent «CONTRE» : 2652/10000èmes.
Les votes POUR étant supérieurs aux CONTRE, la décision est adoptée.
Cela montre qu'avec seulement 28,26 % des millièmes, la résolution est adoptée.
Couverture du parking extérieur – Majorité absolue
Votent POUR : 3506/10000èmes, Votent CONTRE : 2280/10000èmes, Abstentions : 1448/10000èmes
Majorité requise [10000 : 2] + 1 = 5001
Les votes POUR ayant recueillis 3506/10000èmes, la décision est rejetée.
La passerelle vers la majorité simple s'applique puisque le projet a recueilli plus du tiers des voix, un second vote à la majorité simple doit avoir lieu (est calculé en l'espèce sur la base des votes par correspondance).
La résolution est adoptée, les votes POUR étant supérieurs aux CONTRE.
Achat d'un lot privatif pour créer une salle commune - Double majorité
46 copropriétaires représentant 4948/10000 votent POUR. 17 copropriétaires représentant 1854/10000 votent CONTRE. 21 copropriétaires représentant 2766/10000 sont absents.
2 copropriétaires représentant 432/10000 s'abstiennent.
Majorité requise [86 : 2] + 1 = 44 copropriétaires réunissant 6667/10000.
Les votes POUR ayant recueilli la majorité des copropriétaires en nombre mais ne représentant pas les 2/3 des voix, la décision est rejetée.
Elle fait l'objet d'un second vote à la majorité absolue car le projet a recueilli l'approbation de la moitié des copropriétaires représentant le tiers des voix.
Les voix POUR n'ayant recueilli que 4948/10000, la résolution est rejetée car la majorité requise est de 5001/10000.
Les passerelles vers un second vote
Passerelle majorité absolue / majorité simple - article 25-1 loi 1965
La passerelle de la majorité absolue vers la majorité simple a été profondément remaniée par l'ordonnance de 2019 précitée.
Lorsque le projet n'a pas atteint la majorité absolue des voix du syndicat mais qu'il a recueilli au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires composant le syndicat, la même assemblée se prononce à l'occasion d'un nouveau vote à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents et représentés (art.24).
L'article 25-1 précise que désormais cette passerelle est :
- automatique car il n'existe plus la faculté de ne pas l'appliquer (la rédaction du texte est passée de l'assemblée générale («peut décider» » à «se prononce») ;
- générale à toutes les décisions relevant de la majorité absolue (avant les travaux de transformation, addition, amélioration et l'individualisation des contrats de fourniture d'eau en étaient exclus) ;
- immédiate par un vote à la suite du vote n'ayant pas recueilli une majorité suffisante. L'opportunité de convoquer une assemblée générale dans le délai de 3 mois lorsque le projet n'a pas recueilli le tiers des voix est supprimée.
Passerelle double majorité / majorité absolue - article 26-1 loi 1965
Elle est en vigueur depuis le 1er juillet 2020, créée par l'ordonnance de 2019. Lorsque la résolution n'a pas été adoptée à la double majorité, un second vote à la majorité absolue s'applique lorsque le projet a recueilli l'approbation de la moitié des copropriétaires présents ou représentés représentant le tiers des voix. Cette passerelle est également automatique, sans exclusion et immédiate.
Les majorités de vote dans les copropriétés à deux copropriétaires
Dans les copropriétés dont le nombre de voix est réparti entre deux copropriétaires, la prise de décision revient nécessairement à un accord unanime des deux copropriétaires.
Les désaccords bloquent la prise de décision car même lorsqu'un copropriétaire détient plus de la moitié des voix du syndicat, la règle fixée par l'article 22 de la loi de 1965 limite ses droits de vote à la somme des voix des autres copropriétaires. Cela a un effet très concret en cas d'une copropriété à deux, aucune majorité ne peut se dégager et aucune décision n'est adoptée.
Pour lutter contre cette inertie et assurer la conservation de l'immeuble, l'ordonnance de 2019 modifie les majorités de vote nécessaires en créant des dérogations à la règle de réduction des voix (article 41-16 loi de 1965) et une prise de décision unilatérale :
- chaque copropriétaire, quel que soit le nombre de ses voix, peut prendre des décisions portant sur la conservation de l'immeuble même si elles ne présentent pas un caractère d'urgence ;
- le copropriétaire détenant plus de la moitié des voix peut prendre les décisions relevant de la majorité de l'article 24 et désigner le syndic;
- le copropriétaire détenant plus des 2/3 des voix peut prendre les décisions relevant de la majorité de l'article 25.
Décisions à l'unanimité dans les petites copropriétés hors assemblée générale
L'ordonnance de 2019 a créé la possibilité de prendre des décisions à l'unanimité en dehors de l'assemblée générale annuelle dans les petites copropriétés (articles 41-8 à 41-12 de la loi du 10 juillet 1965).
Cela concerne les copropriétés de 5 lots principaux maximum (logements, bureaux, commerces) ou ayant un budget prévisionnel inférieur à 15 000 € sur 3 exercices consécutifs.
L'unanimité s'applique à la prise de décision lors de :
-la consultation écrite : le syndic s'adresse à eux sous la forme d'une simple consultation écrite afin de recueillir leur vote sur des projets de résolution avec adoption à l'unanimité.
Les décisions relatives au budget prévisionnel et à l'approbation des comptes sont exclues de cette procédure de consultation;
-la réunion de tous les copropriétaires : une réunion simple pourra exprimer une décision de copropriété.
A quelle majorité se vote ?
1 - Un copropriétaire veut planter un arbre dans le jardin dont il a la jouissance exclusive
Majorité absolue : Il s'agit de travaux sur des parties communes affectant l'aspect extérieur de l'immeuble (art. 25b).
2 - Des copropriétaires veulent faire construire un garage à vélo sur une partie de terrain de la copropriété non utilisé
Majorité absolue : Il s'agit de travaux d'amélioration par la création de locaux à usage commun (art 25n). Si l'espace avait eu une destination, ils relèveraient de la double majorité ou de l'unanimité en raison de l'atteinte portée à cette destination.
3- Des copropriétaires demandent l'installation de la fibre optique pour un meilleur débit internet
Majorité simple : L'article 24-2 est dédié à l'installation de la fibre optique.
4- Des copropriétaires proposent d'augmenter le montant annuel du fonds de travaux
Majorité absolue : Le vote d'un montant de la cotisation annuelle du Fonds de travaux supérieur pourra bénéficier de la passerelle s'il a recueilli le tiers des voix des copropriétaires.
5- Une copropriétaire demande la création d'un jardin partagé en remplacement des espaces verts
Majorité absolue ou double majorité : Il s'agit de travaux sur parties communes se votant à la majorité absolue ou à la double majorité si ces espaces verts ont une destination particulière précisée dans le règlement de copropriété à laquelle les travaux portent atteinte.
6- Un couple de copropriétaires veut acheter des combles communs pour agrandir son appartement
Double majorité ou unanimité : Le syndicat des copropriétaires peut décider d'aliéner des parties communes à la double majorité; cependant, si la conservation de ces parties communes est nécessaire au respect de la destination de l'immeuble, la décision doit être votée à l'unanimité. Les modifications du règlement de copropriété et la répartition des charges devront être votées à la même majorité.
7- Une copropriétaire demande la création d'une ouverture entre deux lots privatifs contigus lui appartenant
Majorité absolue : Il s'agit de travaux privatifs sur des parties communes s'il s'agit d'un mur commun. Ils doivent être conformes à la destination de l'immeuble.
8- Un copropriétaire demande la surélévation de l'immeuble pour créer des lots privatifs
Double majorité : La surélévation de l'immeuble pour créer des lots privatifs est détaillée à l'article 35 de la loi du 10 juillet 1965, qu'il s'agisse de travaux à l'initiative du syndicat des copropriétaires ou de la vente par celui-ci du droit de surélever.
9- Le conseil syndical propose des travaux d'économie d'énergie d'isolation des combles et des caves
Majorité absolue : Tous les travaux d'économie d'énergie se votent à la majorité absolue (art 25f).
10- L'étanchéité de plusieurs terrasses à usage privatif a besoin d'être refaite
Majorité simple : Il s'agit de travaux d'entretien sur parties communes à usage exclusif. Le règlement de copropriété peut prévoir qu'il s'agit de charges générales ou spéciales.
11- La majorité des copropriétaires veut acquérir un terrain voisin pour créer un espace vert commun
Double majorité : Les actes d'acquisition immobilière par le syndicat des copropriétaires sont envisagés à l'article 26a.
12- Le syndic doit faire voter la reconstruction ou la remise en état de l'immeuble après un incendie